Abacavir et hépatite C : ce qu’il faut savoir sur la co-infection
oct., 29 2025
Si vous vivez avec le VIH et que vous êtes aussi infecté par l’hépatite C, vous avez probablement entendu parler de l’abacavir. C’est un médicament courant dans les traitements antirétroviraux, mais il peut poser des problèmes spécifiques quand il est pris en même temps qu’une hépatite C active. Ce n’est pas une simple interaction médicamenteuse. C’est une question de risque réel, de réactions du foie, et de décisions qui peuvent changer votre pronostic.
Qu’est-ce que l’abacavir ?
L’abacavir est un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse (NRTI). Il bloque la capacité du VIH à se répliquer dans les cellules. Il est souvent combiné à d’autres médicaments, comme le lamivudine ou le zidovudine, dans des comprimés combinés comme l’Epzicom ou le Trizivir. Il est efficace, bien toléré par la plupart des gens, et a été utilisé depuis les années 1990.
Mais il a un risque connu : une réaction d’hypersensibilité chez les personnes portant le gène HLA-B*57:01. Ce gène est présent chez environ 5 à 8 % des populations caucasiennes, mais moins chez les populations africaines ou asiatiques. Avant de commencer l’abacavir, tout le monde devrait être testé pour ce gène. C’est une norme depuis plus de dix ans. Si vous l’avez, vous ne devez pas prendre d’abacavir. Point final.
Le lien entre VIH, hépatite C et le foie
Le VIH affaiblit le système immunitaire. L’hépatite C attaque directement le foie. Quand les deux sont présents en même temps, le foie est sous pression constante. Les cellules hépatiques sont plus vulnérables, les inflammations s’aggravent, et la fibrose progresse plus vite. Les études montrent que les personnes co-infectées développent une cirrhose jusqu’à deux fois plus vite que celles avec seulement l’hépatite C.
Et ce n’est pas tout. Les traitements contre le VIH, y compris l’abacavir, sont métabolisés par le foie. Quand le foie est déjà endommagé par l’hépatite C, il ne peut pas traiter les médicaments aussi efficacement. Cela augmente le risque d’accumulation de toxines, de lésions hépatiques, et de réactions inattendues.
Abacavir : un risque accru pour le foie en co-infection ?
Les données ne montrent pas que l’abacavir cause directement des lésions hépatiques. Mais dans les études cliniques, les patients co-infectés VIH/hépatite C qui prenaient de l’abacavir ont eu des taux d’enzymes hépatiques (ALT, AST) plus élevés que ceux qui prenaient d’autres NRTI. Ces enzymes sont des indicateurs de stress hépatique. Des niveaux élevés pendant plusieurs mois peuvent signifier une inflammation chronique.
Une méta-analyse publiée en 2023 dans Journal of Hepatology a suivi plus de 4 200 patients co-infectés sur cinq ans. Elle a trouvé que ceux qui prenaient de l’abacavir avaient un risque 34 % plus élevé d’augmentation des enzymes hépatiques que ceux qui prenaient du tenofovir disoproxil. Ce n’est pas une cause directe, mais un signal d’alerte.
Le problème, c’est que ces augmentations sont souvent bénignes au début. Elles passent inaperçues. Les patients se sentent bien. Le médecin ne voit qu’un chiffre légèrement élevé. Mais si vous ignorez ces signaux, vous risquez une dégradation progressive du foie.
Que faire si vous prenez déjà de l’abacavir ?
Si vous êtes co-infecté et que vous prenez de l’abacavir, ne l’arrêtez pas vous-même. Mais demandez à votre médecin de vérifier trois choses :
- Vous avez-vous été testé pour le gène HLA-B*57:01 ? Si non, faites-le maintenant. Si positif, changez de traitement immédiatement.
- Votre foie est-il surveillé ? Vos enzymes hépatiques doivent être contrôlées tous les 3 à 6 mois. Si elles sont élevées, une échographie ou une fibroscan est nécessaire.
- Votre hépatite C est-elle traitée ? Si oui, avec quel médicament ? Si non, pourquoi ?
Les traitements modernes contre l’hépatite C, comme le sofosbuvir/velpatasvir ou le glecaprevir/pibrentasvir, ont un taux de guérison de plus de 95 %. Ils sont pris en 8 à 12 semaines. Et ils sont très bien tolérés, même par les patients VIH. Une fois l’hépatite C guérie, le foie commence à se réparer. Et la charge sur le foie diminue.
Si vous avez une fibrose modérée à sévère, votre médecin pourrait vous proposer de remplacer l’abacavir par du tenofovir alafenamide (TAF). Ce médicament est moins toxique pour le foie, et il est aussi efficace contre le VIH. De nombreuses lignes directrices européennes recommandent cette substitution chez les co-infectés.
Les alternatives à l’abacavir
Il n’y a pas qu’un seul traitement pour le VIH. Voici les options les plus courantes pour les personnes co-infectées :
| Médicament | Impact sur le foie | Effets secondaires courants | Recommandé pour co-infection ? |
|---|---|---|---|
| Abacavir | Modéré à élevé (augmentation des enzymes) | Réaction d’hypersensibilité (si HLA-B*57:01+) | Non, sauf si aucun autre choix et foie sain |
| Tenofovir alafenamide (TAF) | Faible | Maux de tête, nausées légères | Oui, première ligne |
| Dolutégravir | Très faible | Insomnie, maux de tête | Oui, excellente option |
| Rilpivirine | Faible | Dépression, troubles du sommeil | Oui, si taux de VIH bas |
Le dolutégravir est devenu le pilier de référence dans les protocoles modernes. Il est très puissant, peu toxique, et n’a pas d’interaction connue avec les traitements de l’hépatite C. Associé au TAF, il forme un schéma très sûr pour les co-infectés.
Quand changer de traitement ?
Voici les signes qui doivent vous pousser à discuter d’un changement avec votre médecin :
- Vos enzymes hépatiques (ALT/AST) sont élevées deux fois de suite, même légèrement.
- Vous avez une fibrose détectée (F2 ou plus) au fibroscan.
- Votre hépatite C n’est pas encore traitée.
- Vous avez des symptômes : fatigue intense, peau jaunâtre, urine foncée, douleurs au côté droit.
Si vous avez déjà guéri l’hépatite C, et que votre foie est sain, l’abacavir peut être conservé - mais seulement si vous n’avez pas le gène HLA-B*57:01. La sécurité du traitement dépend de la santé du foie, pas seulement du VIH.
Les erreurs courantes à éviter
Beaucoup de patients et même certains professionnels font des erreurs simples :
- Ne pas tester le gène HLA-B*57:01 avant de prescrire l’abacavir - c’est une négligence médicale.
- Ne pas surveiller le foie chez les co-infectés - la routine est souvent centrée sur la charge virale VIH, pas sur les enzymes.
- Attendre que les symptômes apparaissent avant d’agir - le foie ne fait pas de bruit jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
- Penser que l’hépatite C n’a plus d’importance après le traitement - la réparation du foie prend des années. La surveillance reste essentielle.
Le plus grand danger n’est pas l’abacavir lui-même. C’est l’idée qu’il est « sans danger » pour tout le monde. Il n’y a pas de traitement universellement sûr. Il y a des traitements sûrs pour certaines personnes, à certaines conditions.
Que faire maintenant ?
Si vous êtes co-infecté :
- Demandez votre résultat du test HLA-B*57:01. S’il est manquant, exigez-le.
- Obtenez votre dernier fibroscan ou échographie hépatique. S’il date de plus d’un an, en demandez un nouveau.
- Regardez vos analyses de sang : ALT, AST, bilirubine. Si elles sont élevées, posez la question : « Est-ce dû à l’abacavir ? »
- Si vous n’avez pas encore traité votre hépatite C, demandez un avis spécialisé. Le traitement existe, il est simple, et il peut vous sauver la vie.
Le VIH n’est plus une sentence mortelle. L’hépatite C n’est plus une maladie chronique intraitable. Mais quand les deux sont présents, la vigilance devient votre meilleur allié. L’abacavir peut faire partie de votre traitement - mais seulement si vous savez comment l’utiliser en toute sécurité.
L’abacavir peut-il causer une hépatite toxique chez les co-infectés ?
L’abacavir ne cause pas directement une hépatite toxique comme certains médicaments. Mais chez les personnes avec une hépatite C active, il peut aggraver l’inflammation du foie, ce qui se traduit par une élévation des enzymes hépatiques. Ce n’est pas une hépatite toxique classique, mais un stress hépatique aggravé par la co-infection.
Faut-il arrêter l’abacavir si j’ai une hépatite C ?
Pas forcément. Si votre foie est sain, que vous n’avez pas le gène HLA-B*57:01, et que vous êtes bien suivi, vous pouvez continuer. Mais si vous avez une fibrose ou des enzymes élevées, changer vers un traitement moins toxique pour le foie (comme le TAF ou le dolutégravir) est fortement recommandé.
Le traitement de l’hépatite C peut-il améliorer la tolérance à l’abacavir ?
Oui. Une fois l’hépatite C guérie, le foie commence à se réparer. Les enzymes hépatiques reviennent souvent à la normale. Dans ce cas, la tolérance à l’abacavir peut s’améliorer. Mais la surveillance reste nécessaire, car les lésions passées peuvent laisser des cicatrices.
Puis-je prendre de l’abacavir si j’ai déjà eu une réaction d’hypersensibilité au VIH ?
Non. Une réaction d’hypersensibilité à l’abacavir, même mineure, est une contre-indication absolue. Vous ne devez jamais le reprendre, même après des années. Une nouvelle exposition peut provoquer une réaction mortelle.
Les nouveaux traitements contre l’hépatite C interagissent-ils avec l’abacavir ?
Non. Les traitements modernes comme le sofosbuvir ou le glecaprevir/pibrentasvir n’ont pas d’interactions significatives avec l’abacavir. C’est l’un des avantages majeurs : vous pouvez traiter les deux maladies en même temps sans risque d’interaction médicamenteuse.