Comment les fabricants de marques produisent leurs propres génériques

Comment les fabricants de marques produisent leurs propres génériques nov., 17 2025

Quand un médicament de marque perd sa protection par brevet, les prix s’effondrent. Les génériques arrivent, souvent à 80 % de réduction. Mais ce n’est pas toujours les concurrents qui profitent de cette chute. Parfois, c’est la même entreprise qui a créé le médicament de marque qui lance sa propre version générique. On appelle ça un générique autorisé.

Qu’est-ce qu’un générique autorisé ?

Un générique autorisé, c’est exactement le même médicament que la version de marque. Même pilule, même couleur, même forme, même ingrédient actif, mêmes excipients. La seule différence ? L’emballage et l’étiquette. Pas de changement dans la formule. Pas de compromis sur la qualité. C’est la même ligne de production, le même laboratoire, la même équipe qui fabrique le médicament - juste avec un nom différent.

Cette pratique est légale depuis 1984, grâce à la loi Hatch-Waxman aux États-Unis. Cette loi a créé un système pour accélérer l’arrivée des génériques, mais elle n’a pas interdit aux marques de jouer le jeu elles-mêmes. Elles ont trouvé un moyen de ne pas perdre tout leur marché dès que le brevet expire.

Pourquoi les grandes marques le font-elles ?

Imaginez que vous vendez un médicament qui rapporte 2 milliards de dollars par an. Un jour, le brevet expire. Dans les six mois, dix entreprises lancent leur version à 90 % moins cher. Vos ventes chutent à 10 % de ce qu’elles étaient. C’est ce qu’on appelle le « cliff du brevet ».

Au lieu de laisser tout le marché aux concurrents, les fabricants de marque créent leur propre générique. Ils le vendent à un prix légèrement plus bas que leur version de marque - disons 10 à 15 % moins cher - mais encore plus cher que les génériques des autres. Cela crée un tiers prix : cher, moyen, bon marché. Et ils gardent une part du marché.

En 2018, Eli Lilly a lancé une version générique de Cialis. Même pilule, même dosage, même emballage blanc, mais sans le logo bleu. Le prix ? 85 $ au lieu de 95 $ pour la marque. Les génériques des autres étaient à 30 $. Résultat ? Lilly a conservé 78 % du revenu total du médicament, malgré la concurrence.

Comment ça se passe en pratique ?

La production d’un générique autorisé ne demande pas de tout recommencer. Les laboratoires utilisent déjà les mêmes installations, les mêmes procédures, les mêmes contrôles qualité. Ils n’ont pas besoin de faire de nouveaux essais cliniques - ils ont déjà les données. Ils utilisent simplement une demande d’approbation plus simple, appelée ANDA (Abbreviated New Drug Application), qu’ils ont déjà préparée en amont.

Le processus prend 6 à 9 mois pour être mis en place. C’est bien plus rapide que les 17 mois en moyenne que mettent les concurrents à obtenir l’approbation pour leur générique. Et surtout, ils n’ont pas à attendre les 180 jours d’exclusivité que la loi accorde au premier générique entrant sur le marché. Ils arrivent le jour même de l’expiration du brevet.

En 2019, Teva a lancé sa version générique de Copaxone le jour même où le brevet a expiré. Ils ont capté 22 % du marché au premier trimestre. Leur concurrent n’a même pas eu le temps de respirer.

Étagère de pharmacie avec trois niveaux de prix pour des pilules identiques, éclairée par une lumière dorée et onirique.

Quels sont les impacts sur les prix et les patients ?

Les génériques autorisés réduisent les prix, mais pas autant que les vrais génériques. Une étude de Harvard en 2022 montre que dans les marchés où un générique autorisé est présent, les prix baissent de seulement 32 %. Sans lui, la chute est de 68 %. C’est une différence énorme.

Les patients, eux, ne savent souvent pas qu’ils prennent un générique autorisé. Sur Drugs.com, les avis sont meilleurs pour les génériques autorisés que pour les autres. Les gens disent : « C’est la même pilule que j’ai toujours prise. » Ils se sentent en sécurité. Mais dans les pharmacies indépendantes, les pharmaciens rapportent que les patients sont confus. « Pourquoi ce générique coûte-t-il presque aussi cher que la marque ? »

Un sondage de la Kaiser Family Foundation en 2023 a montré que 71 % des patients préfèrent les génériques autorisés quand ils les connaissent. Mais 64 % ne savent pas qu’ils sont fabriqués par la même entreprise que la marque. C’est un paradoxe : ils les aiment, mais ils ne comprennent pas ce qu’ils achètent.

Les critiques et les scandales

Cette stratégie n’est pas sans controverse. La Commission fédérale du commerce (FTC) a poursuivi plusieurs entreprises pour abus de position dominante. En 2017, Actavis a dû payer 448 millions de dollars pour avoir utilisé un générique autorisé pour bloquer la concurrence sur son médicament Namenda. L’idée ? Lancer le générique avant même que les autres n’aient pu commencer à produire leur version. C’était une manœuvre pour étendre artificiellement le monopole.

Les économistes disent que les génériques autorisés réduisent les dépenses de santé de 2,3 milliards de dollars par an. Mais ils estiment que ce n’est que 37 % de ce que l’on pourrait gagner avec une concurrence libre et franche. En d’autres termes, les patients paient encore trop cher.

Dirigeants dans un bureau somptueux lancent des génériques identiques à leur marque, reflétés à l'infini dans des miroirs dorés.

Le futur : des génériques pour les médicaments complexes

Les génériques autorisés ne sont plus réservés aux pilules simples. En 2023, Amgen a lancé le premier biosimilaire autorisé - une version générique de son propre médicament Enbrel, un traitement pour l’arthrite. Ce n’est pas une simple pilule. C’est une protéine complexe, fabriquée dans des cellules vivantes. Produire une copie exacte est extrêmement difficile.

Et pourtant, Amgen l’a fait. Parce qu’ils ont les installations, les connaissances, les brevets. Les autres ne peuvent pas encore. C’est la nouvelle frontière : les génériques pour les médicaments biologiques. Les analystes prédisent qu’en 2025, 40 % des médicaments de marque perdant leur brevet auront une version autorisée lancée par le fabricant original.

Combien ça coûte pour les entreprises ?

Passer d’un médicament de marque à un générique autorisé, c’est un investissement. Il faut réorganiser la production, changer les emballages, former les équipes commerciales, s’assurer que la vente du générique ne contredit pas la promotion de la marque. Le coût ? Entre 15 et 25 millions de dollars par produit.

Mais le retour sur investissement est rapide. En moyenne, les entreprises récupèrent leur mise en 14 mois. Pourquoi ? Parce qu’elles gardent la confiance des patients, le contrôle de la chaîne d’approvisionnement, et une part du marché que les autres ne peuvent pas avoir.

Que faut-il retenir ?

Les génériques autorisés ne sont pas une mauvaise chose. Ils offrent une alternative fiable à ceux qui veulent éviter les risques d’un médicament inconnu. Mais ils ne sont pas non plus une révolution de prix. Ce sont un outil de stratégie commerciale, pas un acte de bienveillance.

Si vous prenez un médicament qui vient de perdre son brevet, regardez l’étiquette. Est-ce que le nom du fabricant est le même que sur la boîte de marque ? Si oui, vous avez un générique autorisé. Vous payez un peu moins, mais pas autant que ce que vous pourriez payer. Et vous ne savez peut-être même pas que vous avez choisi la version de la même entreprise.

Le système est conçu pour favoriser la concurrence. Mais les grandes marques ont trouvé un moyen de la contrôler. Et pour l’instant, elles gagnent encore.

Un générique autorisé est-il vraiment plus sûr qu’un générique classique ?

Oui, du point de vue de la qualité et de la sécurité. Un générique autorisé est fabriqué dans la même usine, avec les mêmes processus, les mêmes contrôles et les mêmes matières premières que la version de marque. La seule différence est l’étiquette. Les génériques classiques, même s’ils sont approuvés par la FDA, sont produits par d’autres entreprises qui doivent prouver leur bioéquivalence, mais pas forcément avec les mêmes équipements. Pour beaucoup de patients, le fait de reconnaître la même pilule rassure.

Pourquoi un générique autorisé coûte-t-il plus cher qu’un générique classique ?

Parce que le fabricant de la marque ne veut pas perdre tout son revenu. Il fixe le prix du générique autorisé juste en dessous de sa version de marque - disons 10 à 15 % moins cher - mais au-dessus des génériques des concurrents. C’est une stratégie de tarification en trois niveaux : cher (marque), moyen (générique autorisé), bon marché (générique classique). Cela permet de conserver une part du marché sans tout perdre.

Comment savoir si mon médicament est un générique autorisé ?

Regardez le nom du fabricant sur l’emballage. Si c’est le même que sur la version de marque - par exemple, Pfizer pour le générique de Lipitor - alors c’est un générique autorisé. Les génériques classiques portent souvent des noms comme Teva, Mylan, Sandoz ou Dr. Reddy’s. Si vous avez un doute, demandez à votre pharmacien : « Ce médicament est-il produit par la même entreprise que la marque ? »

Les génériques autorisés sont-ils disponibles partout dans le monde ?

La pratique est surtout répandue aux États-Unis, où le système de brevets et de régulation permet cette stratégie. En Europe, en Asie ou au Canada, les règles sont différentes. Les fabricants de marque y ont moins de liberté pour lancer leur propre version générique. Certains pays l’interdisent ou la limitent pour éviter les abus de position dominante. Le modèle américain est unique.

Les génériques autorisés vont-ils remplacer les vrais génériques ?

Non. Ils complètent le marché, mais ne le remplacent pas. Les vrais génériques restent les plus bon marché. Les génériques autorisés ciblent les patients qui veulent une alternative fiable, pas forcément la moins chère. Les analystes prévoient qu’en 2027, les génériques autorisés représenteront 25 à 30 % du marché des génériques - les autres seront encore produits par des entreprises indépendantes. La concurrence reste essentielle pour faire baisser les prix.