Planifier l'expiration des brevets : ce que les patients et les systèmes de santé doivent faire
déc., 15 2025
Quand un médicament breveté perd son exclusivité, tout change. Les prix chutent, les génériques arrivent, et les patients doivent parfois changer de traitement. Mais ce n’est pas un simple remplacement. C’est un moment critique pour les systèmes de santé, les pharmacies, et surtout, pour les personnes qui prennent ces médicaments tous les jours. Entre 2025 et 2029, plus de 90 milliards de dollars de ventes de médicaments brevetés vont disparaître aux États-Unis. En Europe, la situation est similaire. Les brevets expirent, et les systèmes de santé doivent être prêts - sinon, les patients paieront le prix fort.
Comment fonctionne vraiment l’expiration d’un brevet ?
Un brevet pharmaceutique dure 20 ans, mais ça ne veut pas dire que le médicament est commercialisé pendant tout ce temps. Entre la découverte, les essais cliniques, et l’autorisation de mise sur le marché, il faut en moyenne 10 à 12 ans. Donc, quand le brevet expire, il ne reste souvent que 7 à 10 ans de vente exclusive. Les entreprises utilisent des stratégies pour allonger cette période : nouveaux formats (comme les comprimés à libération prolongée), combinaisons de molécules, ou même de nouveaux brevets sur des composants mineurs. On appelle ça les thickets de brevets. Près de 80 % des 100 médicaments les plus vendus ont une douzaine de brevets secondaires. Cela ralentit l’arrivée des génériques, même après l’expiration du brevet principal.
Dans l’Union européenne, les Certificats de Protection Supplémentaire (SPC) peuvent ajouter jusqu’à 5 ans de protection. Aux États-Unis, les accords de « pay-for-delay » - où les fabricants paient les génériques pour retarder leur lancement - ont été réduits de 35 % depuis 2022 grâce à des lois comme le CREATES Act. Mais ils existent encore.
Pourquoi les patients doivent s’inquiéter
Quand un générique arrive, il doit être bioéquivalent au médicament d’origine. Cela signifie qu’il doit libérer la même quantité de principe actif dans le sang, dans une fourchette de 80 à 125 %. Mais ce n’est pas tout. Les excipients - les ingrédients inactifs comme les colorants ou les liants - peuvent changer. Pour certaines personnes, cela provoque des effets secondaires : maux d’estomac, éruptions cutanées, ou une baisse d’efficacité perçue. Une enquête de la Kaiser Family Foundation en 2022 a montré que 37 % des patients sur traitement chronique ont ressenti des effets négatifs après un changement de médicament, même si le générique était approuvé par la FDA.
Les patients sous traitement pour le diabète, l’hypertension, ou les maladies auto-immunes sont particulièrement vulnérables. Un changement de générique peut entraîner une instabilité de la maladie. Et souvent, les patients ne sont pas prévenus. En 2022, 42 % des bénéficiaires de Medicare ont vu leur ordonnance changée sans explication claire. Beaucoup ne savent pas qu’ils passent d’un médicament à un autre. Ils pensent que c’est la même chose. Ce n’est pas toujours le cas.
Que font les systèmes de santé ?
Les hôpitaux et les assureurs doivent planifier deux ans à l’avance. Ce n’est pas une option. Une étude de l’Healthcare Financial Management Association montre que les systèmes qui commencent la planification 24 mois avant l’expiration gagnent 22 % de plus en économies que ceux qui attendent 12 mois. Pour un seul médicament, cela peut représenter 4,7 millions de dollars d’économies.
Comment font-ils ?
- Ils identifient les médicaments qui vont perdre leur brevet dans les 18 à 24 prochains mois.
- Ils surveillent les génériques en attente d’autorisation - certains sont déjà en cours de fabrication.
- Ils négocient avec les distributeurs pour obtenir les meilleurs prix dès le premier jour de l’entrée du générique.
- Ils mettent à jour leurs listes de médicaments autorisés (formulaires) pour privilégier les génériques les moins chers.
- Ils forment les médecins à prescrire les génériques, et les pharmaciens à informer les patients.
Les grands systèmes utilisent des logiciels comme Symphony Health’s PatentSight pour suivre plus de 1 400 dates d’expiration par an aux États-Unis. Les petits hôpitaux, eux, n’ont pas ces ressources. 58 % des petits groupes médicaux déclarent ne pas avoir les moyens de gérer plusieurs expirations en même temps.
Les différences entre génériques et biosimilaires
Il ne faut pas confondre génériques et biosimilaires. Les génériques sont des copies de médicaments chimiques simples, comme le métformine ou l’atorvastatine. Les biosimilaires, eux, sont des copies de médicaments biologiques - des protéines complexes produites dans des cellules vivantes. Ils sont beaucoup plus difficiles à fabriquer. Et donc, plus chers à produire.
Les génériques coûtent en moyenne 80 à 85 % moins cher que le médicament d’origine. Les biosimilaires, eux, ne réduisent les prix que de 20 à 40 % au début. Et leur adoption est lente. Seulement 38 % des prescriptions de biologiques sont passées aux biosimilaires après deux ans, contre plus de 90 % pour les génériques.
Les différences sont aussi thérapeutiques. Dans le cancer, les biosimilaires sont adoptés plus vite - jusqu’à 45 % en un an. Pour les maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde, l’adoption ne dépasse pas 18 %. Pourquoi ? Parce que les médecins hésitent. Ils craignent que le patient ne réagisse différemment. Et les patients eux-mêmes ont peur du changement.
Les pays ne réagissent pas de la même manière
En France, en Allemagne ou au Royaume-Uni, les prix des médicaments sont fixés par le système de santé. Dès l’arrivée d’un générique, le prix de référence chute. Dans certains cas, le médicament d’origine est retiré de la liste remboursable. Le résultat ? 85 % des prescriptions sont pour des génériques dans les 12 mois.
Aux États-Unis, c’est différent. Les prix ne chutent pas aussi vite. Les rebuts, les contrats entre distributeurs et assureurs, et les stratégies de positionnement des formularies ralentissent la baisse. Les génériques ne descendent qu’à 60-70 % du prix d’origine après 18 à 24 mois. Et les patients paient souvent plus parce que leur assurance ne couvre pas toujours le générique le moins cher.
Que doivent faire les patients maintenant ?
Vous ne pouvez pas contrôler quand un brevet expire. Mais vous pouvez vous préparer.
- Connaître les médicaments que vous prenez. Notez leur nom commercial et leur principe actif.
- Parlez à votre médecin ou pharmacien : « Ce médicament va-t-il devenir générique bientôt ? »
- Si un changement est prévu, demandez : « Est-ce que ce nouveau générique est vraiment équivalent ? »
- Ne changez pas de médicament sans avis médical, même si c’est moins cher.
- Surveillez votre état de santé après un changement. Si vous avez un effet secondaire nouveau, prévenez votre médecin.
Si vous êtes sous un traitement chronique - comme pour le cholestérol, l’hypertension, ou le diabète - demandez à votre pharmacien de vous tenir informé. Certains proposent des alertes par SMS ou par e-mail quand un médicament change.
Les bonnes pratiques pour les systèmes de santé
Les systèmes qui réussissent ont une chose en commun : ils planifient à l’avance. Voici ce qu’ils font :
- Créent une équipe dédiée à l’expiration des brevets - pharmacien, médecin, financeur, responsable des contrats.
- Utilisent des outils numériques pour suivre les brevets et les génériques en attente.
- Font des simulations de coûts : « Combien économiserons-nous si nous passons à ce générique ? »
- Publient des guides pour les patients : « Ce que vous devez savoir sur le changement de médicament ».
- Formulent des protocoles de transition : pas de changement brusque, pas de rupture de traitement.
Les systèmes qui ont mis en place ces pratiques ont vu leurs taux d’abandon de traitement diminuer de 35 %. Les patients restent sous traitement. Leur santé s’améliore. Et les coûts baissent.
Et après ? Le futur des brevets
Les prochaines années vont être décisives. Plus de 45 biologiques vont perdre leur brevet d’ici 2028. Les biosimilaires vont devenir plus nombreux, plus abordables. La FDA accélère les approbations grâce à la nouvelle version de GDUFA III. Les lois comme le Inflation Reduction Act permettront à Medicare de négocier les prix de certains médicaments après expiration du brevet - à partir de 2026.
Mais les entreprises pharmaceutiques ne vont pas se laisser faire. Elles développent de nouvelles stratégies : thérapies géniques, médicaments personnalisés, formulations ultra-complexes. Leur objectif ? Créer de nouveaux brevets, même sur des versions très légères des anciens médicaments.
La bataille n’est pas finie. Mais ce qui est clair, c’est que la planification est la clé. Pour les patients, pour les médecins, pour les hôpitaux. Ce n’est pas une question de coûts. C’est une question de sécurité, de continuité des soins, et d’équité.