Sténose spinale : claudication neurogène et voies de traitement
nov., 23 2025
Quand vous marchez, vos jambes deviennent lourdes, fourmillantes, ou vous avez une douleur qui vous oblige à vous arrêter. Vous vous penchez en avant, vous vous appuyez sur un caddie, et soudain, tout va mieux. Ce n’est pas un problème de circulation. C’est peut-être une sténose spinale avec claudication neurogène.
Qu’est-ce que la claudication neurogène ?
La claudication neurogène, c’est ce que ressentent les personnes dont les nerfs de la colonne lombaire sont comprimés. Ce n’est pas une maladie en soi, mais un symptôme clé de la sténose spinale lombaire. Contrairement à la claudication vasculaire - causée par un manque d’oxygène dans les muscles à cause d’une mauvaise circulation - celle-ci vient d’une compression des racines nerveuses dans le canal rachidien étroité.Les patients décrivent souvent une sensation de lourdeur, de fourmillements, ou de faiblesse dans les fesses, les cuisses ou les jambes. La douleur apparaît après quelques minutes de marche ou de station debout. Elle disparaît presque instantanément quand on s’assied ou qu’on se penche en avant. C’est ce qu’on appelle le « signe du caddie » : les patients se mettent à pousser un chariot de supermarché pour pouvoir continuer leur promenade. Jusqu’à 85 % des personnes atteintes rapportent ce comportement.
Le mécanisme est simple : quand vous vous redressez, le canal rachidien se rétrécit encore plus, ce qui comprime les nerfs. En vous penchant en avant - comme quand vous poussez un caddie ou que vous vous asseyez - vous élargissez le canal. Les nerfs se détendent, la douleur diminue. C’est une signature clinique presque unique à la claudication neurogène.
Comment la distinguer de la claudication vasculaire ?
C’est l’une des erreurs les plus fréquentes en médecine. Beaucoup de patients sont d’abord traités pour un problème de circulation, alors qu’ils souffrent d’une compression nerveuse. La différence est cruciale : si vous avez une claudication vasculaire, la douleur disparaît au repos, peu importe la position. Si vous avez une claudication neurogène, vous devez vous pencher en avant pour avoir du soulagement.Les pouls aux pieds sont normaux chez les patients avec claudication neurogène. Chez ceux avec problème vasculaire, ils sont souvent faibles ou absents. Un test simple : demandez à la personne de faire cinq fois le mouvement « assis-debout » sans aide. Si elle le fait en moins de 10 secondes, il y a peu de chance que la sténose soit sévère. Si elle met plus de 15 secondes, c’est un signe d’altération fonctionnelle.
Le test de la jambe tendue (straight leg raise) est souvent négatif. Ce n’est pas une hernie discale. Les réflexes peuvent être diminués, la force musculaire faible, surtout au niveau des orteils. Un signe peu connu mais fiable : l’atrophie du muscle extenseur des orteils (extensor digitorum brevis). C’est un indicateur clinique précis, souvent observé par les spécialistes, mais rarement demandé par les généralistes.
Comment est posé le diagnostic ?
Le diagnostic commence par l’histoire du patient. Les questions clés sont simples : « Vos jambes vous font-elles mal quand vous marchez ? » « Est-ce que vous vous penchez en avant pour vous soulager ? » « Est-ce que vous avez besoin de vous arrêter pour vous asseoir ou vous appuyer sur un caddie ? »Un scanner ou une IRM peut montrer un canal rachidien étroit. Mais attention : jusqu’à 67 % des personnes âgées de plus de 60 ans ont une sténose visible à l’IRM… sans aucun symptôme. L’imagerie ne confirme pas la douleur. Elle ne sert qu’à écarter d’autres causes. Le diagnostic repose sur les symptômes, pas sur les images.
La combinaison de plusieurs signes augmente la fiabilité : douleur en marchant, soulagement en se penchant, signe du caddie, pouls normaux, et test de cinq assis-debout lent. Plus il y a de ces éléments, plus le diagnostic est solide.
Que fait-on en premier lieu ?
La première ligne de traitement n’est pas la chirurgie. C’est la rééducation. Des études récentes, comme celles de l’Académie américaine de chirurgie orthopédique (juin 2023), confirment que les programmes d’exercices structurés sont plus efficaces que les médicaments à long terme.Les exercices se concentrent sur la flexion : étirements du bas du dos, renforcement des abdominaux, et mouvements qui encouragent la position penchée en avant. Les patients apprennent à marcher en se tenant à un caddie ou à une canne pour maintenir leur colonne en flexion. Certains utilisent des supports lombaires spéciaux pour rester penchés en marchant.
La physiothérapie dure en général 6 à 8 semaines. Il faut de la régularité. Les patients qui font les exercices 3 fois par semaine pendant 20 minutes voient une amélioration significative dans 82 % des cas, surtout au début de la maladie.
Les médicaments, comme les anti-inflammatoires ou les antalgiques, peuvent aider à calmer la douleur, mais ils ne changent rien à la compression. Ce ne sont que des solutions temporaires. Les injections de corticoïdes dans l’espace épidural peuvent apporter un soulagement de 3 à 6 mois chez 50 à 70 % des patients. Mais ce n’est pas une cure. C’est un répit pour reprendre les exercices.
Quand la chirurgie est-elle nécessaire ?
Si, après 3 à 6 mois de traitements conservateurs, la douleur persiste, que la marche devient impossible, ou que vous avez une faiblesse musculaire qui s’aggrave, alors la chirurgie devient une option sérieuse.La décompression chirurgicale - comme une laminectomie ou une laminotomie - consiste à enlever une partie de l’os ou des tissus qui compriment les nerfs. Les techniques mini-invasives sont de plus en plus utilisées. Depuis 2023, un dispositif appelé Superion, placé entre les processus épineux, a obtenu l’approbation de la FDA. Il écarte les os pour agrandir le canal sans enlever de tissu osseux. Les études montrent 78 % de satisfaction des patients après 24 mois.
Les résultats sont bons : 70 à 80 % des patients bien sélectionnés rapportent une amélioration « bonne à excellente » un an après l’opération. Mais ce n’est pas magique. La récupération prend des mois. La rééducation post-opératoire est essentielle. Sans elle, les risques de récidive augmentent.
Les pièges à éviter
Le plus grand piège, c’est de confondre avec une maladie vasculaire. Un patient sur cinq consulte trois médecins avant d’obtenir le bon diagnostic. Pourquoi ? Parce que les médecins ne posent pas les bonnes questions. Ils vérifient les pouls, mais ne demandent pas : « Est-ce que vous vous penchez en avant pour vous soulager ? »Un autre piège : attendre trop longtemps avant d’agir. La faiblesse musculaire, surtout au niveau des orteils, est un signal d’alerte. Si vous ne traitez pas, vous risquez une perte nerveuse permanente. Ce n’est pas une douleur qu’on peut « supporter ».
Enfin, ne sous-estimez pas l’importance du mode de vie. Le surpoids augmente la pression sur la colonne. Le tabac réduit la circulation sanguine dans les nerfs. La sédentarité affaiblit les muscles qui soutiennent le dos. Tous ces facteurs accélèrent la progression.
Et demain ?
Avec le vieillissement de la population, la sténose spinale devient de plus en plus courante. Aux États-Unis, 200 000 adultes en souffrent chaque année. L’OMS prévoit que d’ici 2050, plus de 1,5 milliard de personnes auront plus de 65 ans. Cela signifie que cette condition ne va pas disparaître.Les chercheurs travaillent à un algorithme de diagnostic standardisé, qui devrait être publié fin 2024. L’objectif : éviter les erreurs, guider les médecins, et surtout, éviter les opérations inutiles. Les nouvelles technologies, comme l’imagerie par résonance à haute résolution et les capteurs de posture, pourraient un jour permettre de détecter la compression avant que la douleur n’apparaisse.
En attendant, la clé reste simple : reconnaissez les signes. Si vous ou un proche avez des jambes lourdes en marchant, et que vous vous penchez en avant pour vous soulager, ce n’est pas « juste » une douleur de vieillissement. C’est un signal. Et il y a des solutions.
La claudication neurogène peut-elle disparaître sans traitement ?
Non, la compression nerveuse ne disparaît pas d’elle-même. Les symptômes peuvent s’aggraver avec le temps si rien n’est fait. Mais avec des exercices adaptés, beaucoup de patients parviennent à stabiliser leur état et à retrouver une bonne qualité de vie, même sans chirurgie.
Faut-il toujours faire une IRM pour diagnostiquer la sténose spinale ?
Non. L’IRM est utile pour confirmer le diagnostic ou éliminer d’autres causes, mais elle n’est pas nécessaire si les symptômes sont typiques. Beaucoup de personnes ont des images de sténose sans douleur. Le diagnostic repose avant tout sur les signes cliniques : la relation entre la marche, la douleur et la position penchée en avant.
Les injections de corticoïdes guérissent-elles la sténose ?
Non. Elles réduisent l’inflammation autour des nerfs, ce qui peut apporter un soulagement temporaire - souvent de quelques mois. Mais elles ne modifient pas la compression osseuse. Elles servent à gagner du temps pour faire de la rééducation ou pour planifier une chirurgie si nécessaire.
Quelle est la différence entre une laminectomie et une décompression mini-invasive ?
La laminectomie consiste à retirer une partie de l’os (la lame vertébrale) pour élargir le canal. La décompression mini-invasive utilise des outils plus petits, avec moins de coupes musculaires. Les dispositifs comme Superion ne retirent rien : ils écartent les os pour créer de la place. Les deux sont efficaces, mais la mini-invasive réduit les risques d’infection et accélère la récupération.
Peut-on continuer à marcher avec une claudication neurogène ?
Oui, mais il faut adapter la manière de le faire. Marcher en se penchant en avant, en utilisant un caddie ou une canne, permet de prolonger la distance. Des patients réussissent à marcher 1 km en faisant des pauses courtes. L’objectif n’est pas de s’arrêter, mais d’apprendre à gérer la douleur avec des techniques de posture et de respiration.